Le liquidateur judiciaire d’une société réclame la condamnation de l’un de ses fournisseurs à la prise en charge d’une partie de ses dettes. Le motif ? Celui-ci était, selon le liquidateur, le « dirigeant de fait » de la société et a, dans ce cadre, commis de nombreuses fautes qui ont aggravé sa situation financière. Le juge va-t-il lui donner raison ?
Une société qui a pour activité la production de joints d’étanchéité pour l’industrie automobile conclut un contrat avec un fournisseur.
A la suite d’un désaccord avec celui-ci, la société est mise en redressement puis en liquidation judiciaire.
Son liquidateur décide alors d’engager la responsabilité du fournisseur, dont il estime qu’il a exercé les fonctions de dirigeant « de fait » de la société.
Pour mémoire, il peut exister 2 types de dirigeant d’une société :
A l’appui de sa demande, le liquidateur souligne ici que le fournisseur a notamment :
Par tous ces actes, le fournisseur a, selon le liquidateur, outrepassé le cadre des relations classiques entre un client et son fournisseur, et s’est donc comporté en dirigeant de fait de la société.
Ce qui permet alors d’engager sa responsabilité pour les fautes de gestion commises dans l’exercice de ses fonctions dès lors que celles-ci ont contribué à aggraver la situation financière de la société…
Pour rappel, il est effectivement possible, pour un dirigeant dont la société est placée en liquidation judiciaire, de voir sa responsabilité engagée pour les fautes de gestion qu’il a commises si celles-ci ont contribué à aggraver la situation financière de la société.
Dans ce cas, le dirigeant peut être condamné à prendre en charge toute ou partie des dettes de la société (on parle techniquement « d’action en comblement de passif »).
Mais dans cette affaire, le fournisseur conteste la qualité de « dirigeant de fait » de la société : s’il reconnait avoir mis en place diverses mesures de suivi de la société, il indique toutefois n’avoir jamais agi en toute indépendance des dirigeants de droit de la société, qui étaient parfaitement au courant de ses agissements, qu’ils avaient d’ailleurs autorisés et auxquels ils étaient, pour l’essentiel, associés.
De plus, poursuit-il, il n’a jamais donné d’instructions aux dirigeants de droit de la société : il s’est seulement cantonné à effectuer des contrôles et à émettre certaines recommandations.
Autant d’éléments qui, selon lui, prouvent qu’il n’a pas été le dirigeant de fait de la société…
Ce que confirme le juge, qui estime ici que les conditions relatives à l’octroi de la qualité de dirigeant de fait ne sont pas réunies.
La demande du liquidateur est donc rejetée.
Source : Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 19 mai 2021, n° 19-25286 (NP)
Dirigeant de société : qu’est-ce qu’un « dirigeant de fait » ? © Copyright WebLex – 2021